PASCAL OBISPO – 2025

REVERSIBILITE par Pascal Obispo

Réversibilité
Et si le monde était réversible ?


La Réversibilité de Pascal...

Chez Pascal Obispo, le regard précède la voix. Avant même que la musique ne se fasse entendre, le silence des visages qu’il peint parle déjà - un silence vibrant, presque rythmique où le trait devient partition.

L’exposition « Réversibilité » explore cette tension entre ce que l’on voit et ce que l’on perçoit, entre l’apparence et sa résonance intérieure.
Les œuvres présentées sont des visages stylisés, monoformes, oscillant entre le profil et la frontalité. Ce basculement visuel engage le spectateur dans une expérience de double regard : ce que l’on observe nous observe à son tour. Ainsi, chaque figure devient miroir, chaque ligne un écho. La réversibilité ne se limite pas ici à un procédé plastique - elle devient principe poétique : celui d’un monde où l’émotion circule à double sens, comme une vibration partagée entre l’artiste et le regardeur.

Inspiré du poème éponyme de Baudelaire, Obispo traduit la tension entre la lumière et l’ombre, entre la faute et la beauté, entre le profane et le sacré. Là où Baudelaire interroge la correspondance des âmes, Obispo la transpose dans un dialogue des visages. L’œuvre se retourne, se lit dans les deux sens, comme une mélodie inversée dont chaque note garde sa justesse malgré le renversement du temps.

Cette double nature - musicale et visuelle - trouve ici son plein accomplissement. Dans la musique, le rythme crée le mouvement ; dans la peinture, la ligne fixe ce mouvement dans la forme. Entre les deux, l’artiste compose une même grammaire sensible : celle du contrepoint le visible et l’invisible. Ses visages semblent ainsi naître d’un battement - un battement d’âme - celui d’un compositeur devenu peintre, d’un regard devenu écoute.

« Réversibilité »invite à repenser la perception comme un aller-retour permanent, un souffle partagé où la vision devient résonance. Les œuvres de Pascal Obispo témoignent de cette quête d’unité entre l’image et le sens, entre la présence et son reflet.



Réversibilité


Ange plein de gaieté, connaissez-vous l'angoisse,
La honte, les remords, les sanglots, les ennuis,
Et les vagues terreurs de ces affreuses nuits
Qui compriment le coeur comme un papier qu'on froisse ?
Ange plein de gaieté, connaissez-vous l'angoisse ?

Ange plein de bonté, connaissez-vous la haine,
Les poings crispés dans l'ombre et les larmes de fiel,
Quand la Vengeance bat son infernal rappel,
Et de nos facultés se fait le capitaine ?
Ange plein de bonté connaissez-vous la haine ?

Ange plein de santé, connaissez-vous les Fièvres,
Qui, le long des grands murs de l'hospice blafard,
Comme des exilés, s'en vont d'un pied traînard,
Cherchant le soleil rare et remuant les lèvres ?
Ange plein de santé, connaissez-vous les Fièvres ?

Ange plein de beauté, connaissez-vous les rides,
Et la peur de vieillir, et ce hideux tourment
De lire la secrète horreur du dévouement
Dans des yeux où longtemps burent nos yeux avide !
Ange plein de beauté, connaissez-vous les rides ?

Ange plein de bonheur, de joie et de lumières,
David mourant aurait demandé la santé
Aux émanations de ton corps enchanté ;
Mais de toi je n'implore, ange, que tes prières,
Ange plein de bonheur, de joie et de lumières !


Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal